En souvenir des anciens combattants canadiens de Hong Kong
Cette année, à l’occasion du 80e anniversaire du jour de la Victoire sur le Japon, les Canadiens et Canadiennes honoreront les sacrifices consentis par les anciens combattants canadiens ayant combattu à Hong Kong ainsi que ceux tombés
au combat ou faits prisonniers de guerre.
Le 15 août 1945 marque la fin de la guerre dans le Pacifique et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Selon L’encyclopédie canadienne, des 1975 Canadiens envoyés à Hong Kong, 290 ont été tués et 493 ont été blessés au cours de la Bataille
de Hong Kong; 264 autres ont perdu la vie après avoir été faits prisonniers de guerre, et 1418 survivants sont rentrés au pays. Ceux-ci furent confrontés aux handicaps et séquelles à long terme des 44 mois de travaux forcés, de torture et
de famine auxquels leurs geôliers japonais les ont soumis.
« Les anciens combattants de Hong Kong ont porté l’un des pires fardeaux de cette guerre pendant très longtemps », affirme Derrill Henderson, fondateur principal et premier directeur de l’Association commémorative des anciens combattants de Hong
Kong. Cette association, anciennement l’Association canadienne des anciens combattants de Hong Kong, a été fondée en 1993 par les enfants des membres de la compagnie « C », la délégation militaire canadienne qui a fait face à des obstacles
insurmontables lors de la Bataille de Hong Kong.
Derrill Henderson est le fils du vétéran de Hong Kong Stewart Henderson. Son parrain et quatre autres membres de sa famille ont également fait partie de la compagnie « C ». C’est pour cette raison qu’il s’est donné la mission de faire en sorte
que l’on n’oublie jamais les anciens combattants d’Extrême-Orient et les soldats qui ont donné leur vie pour la défense de Hong Kong. Cette mission lui est d’autant plus importante maintenant que tous les vétérans de cette bataille sont décédés.
« Mon père ne parlait jamais de ce qui s’est passé. Ce n’est qu’après son décès que j’ai entendu les témoignages des autres vétérans, dont plusieurs m’ont énormément marqué, affirme M. Henderson. Alors que l’on célèbre les victoires, les défaites
sont très difficiles à accepter. La défaite reste dans la mémoire. C’est ce qui me vient toujours en tête quand je pense aux anciens combattants de Hong Kong. Ils ne voulaient pas se rendre, mais ils n’ont pas eu d’autre choix. Ils ne l’ont
pas bien vécu. Je crois que c’est probablement pour ça qu’ils n’aimaient pas en parler. »
Bien que son père ne parlait pas beaucoup de la guerre, M. Henderson se souvient de la douleur avec laquelle celui-ci devait composer chaque jour. Comme bien des vétérans de Hong Kong, Stewart Henderson vivait avec le traumatisme persistant causé
par les années passées en tant que prisonnier de guerre, et avec le temps, il a souffert d’une perte de vision en plus d’autres complications médicales.
« Mon père a dû se faire enlever une partie de l’estomac en raison de saignements. Pour le restant de sa vie, il n’a jamais pu manger un repas complet. Lorsqu’il allait au restaurant, il s’excusait de ne pas être en mesure de manger le repas qui
lui était servi », explique M. Henderson.
À leur retour au pays, les vétérans canadiens de Hong Kong passèrent de nombreuses années à vivre avec des handicaps non décelés ou ignorés par le ministère des Anciens Combattants.
En 1971, après des études exhaustives, les prisonniers de guerre d’Extrême-Orient ont pu obtenir une pension de base de 50 % pour handicaps indéterminés, et sont devenus admissibles à une pension supplémentaire octroyée individuellement. Un rapport
mandaté par l’Association des Amputés de guerre et produit par le défunt Dr Gustave Gingras a identifié le vieillissement prématuré ainsi que 19 autres affections médicales n’ayant pas été observées chez les hommes canadiens de la même tranche
d'âge que les prisonniers de guerre.
Le terme « avitaminose » fut adopté comme diagnostic commun par le ministère des Anciens Combattants au milieu des années 1970 afin d’englober la multitude de problèmes de santé dont souffraient ces prisonniers de guerre canadiens. Mais cela ne
suffit aucunement pour décrire l’ampleur des handicaps donnant droit à pension, tant du côté physique que mental, avec lesquels ils ont dû vivre.
Plusieurs années après la Seconde Guerre mondiale, les anciens combattants de Hong Kong, de concert avec l’Association des Amputés de guerre, entreprirent des démarches pour obtenir une indemnisation financière ainsi que des excuses officielles
de la part du Japon pour les sévices subis et les violations aux droits de la personne auxquels ils ont été assujettis par le Japon en tant que prisonniers de guerre. En 1987, l’Association des Amputés de guerre, sous la gouverne de Cliff Chadderton
et de Brian Forbes, respectivement à l’époque le chef des services administratifs et le conseiller juridique de l’association, entama une lutte qui allait durer 11 ans pour obtenir une indemnisation pour les anciens combattants canadiens de
Hong Kong. Ils explorèrent de nombreuses avenues, alors que le Japon continuait de se référer au traité de paix de 1952 entre le Canada et le Japon pour se défiler.
Après avoir demandé et obtenu le statut d’organisation non gouvernementale (ONG), l’Association des Amputés de guerre présenta sa réclamation à la Commission des droits de l’homme de l’ONU. Un sous-comité étudia la demande, à laquelle le gouvernement
japonais s’opposa. Le sous-comité conclut que bien que le Japon eût commis de graves entraves à la Convention de Genève, la question des compensations n’était pas de son ressort. L’association appela de cette décision et soumit une pétition
au Comité des droits de l’homme (une autre agence relevant de la Commission des droits de l’homme) afin de demander que le gouvernement canadien offre une indemnisation aux anciens combattants de Hong Kong.
Leur stratégie fut de forcer par la honte les gouvernements japonais et canadien à reconnaître les graves entraves à la Convention de Genève, la maltraitance et la torture ainsi que les flagrantes violations aux droits de la personne qu’avaient
subies les vétérans de Hong Kong. L’Association des Amputés de guerre fit valoir que le Canada enfreignait le Pacte international en ne protégeant pas les droits des prisonniers de guerre, particulièrement en ce qui a trait aux demandes de
compensation pour travaux forcés. « De nombreux prisonniers de guerre ont péri dans les camps japonais, et la grande majorité ont ensuite souffert de handicaps graves qui ont affecté tous les aspects de leur vie », affirma M. Forbes à l’époque.
L’Association des Amputés de guerre plaida également que le gouvernement canadien enfreignait le droit international en ne protégeant pas les intérêts des prisonniers de guerre, et que son refus de soutenir la demande d’indemnisation envers le
Japon était une preuve de négligence. Le gouvernement canadien partageait la position du Japon, comme quoi le conflit avait été résolu à la signature du traité de paix en 1952. Le Comité de l’ONU conclut alors qu’il ne pouvait intervenir,
car toutes les solutions n’avaient pas été explorées au niveau national.
Par conséquent, l’Association des Amputés de guerre demanda au gouvernement canadien de réviser sa position, et réussit à obtenir une audience devant un comité parlementaire. En décembre 1997, le comité des affaires étrangères vota à l’unanimité
en sa faveur, requérant que le gouvernement paie les montants exigés et qu’il demande au Japon de rembourser.
Le 11 décembre 1998, le gouvernement canadien accepta de verser une indemnisation sur une base humanitaire, soit 24 000 $ pour chaque ancien combattant de Hong Kong vivant ou la veuve de ceux décédés, un montant représentant à peine 1,50 $ par
jour d’emprisonnement. Seuls environ 350 vétérans et 500 veuves étaient encore vivants à l’époque pour recevoir cette compensation.
En 2011, alors que l’on comptait moins de 60 anciens combattants prisonniers de guerre encore vivants (le plus jeune étant âgé de 89 ans), le gouvernement du Japon présenta des excuses officielles aux anciens combattants de Hong Kong. Les excuses
furent acceptées par ceux-ci au nom de tout le personnel militaire canadien qui a été fait prisonnier en Extrême-Orient au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Plus récemment, l’Association des Amputés de guerre a poursuivi son engagement de longue date de soutenir ce groupe exceptionnel d’anciens combattants, même après leur décès. Pour ce faire, elle continue de défendre leur admissibilité « de plein
droit » aux indemnités pour frais de funérailles et d’inhumation, soumettant avec succès au nom des familles d’anciens combattants les demandes de subventions au Fonds du souvenir, lequel est financé par Anciens Combattants Canada. L’association
a également pérennisé les témoignages des anciens combattants de Hong Kong en produisant des documentaires sur le sujet, dont le film primé sur la scène internationale
Les anciens combattants du Canada à Hong Kong : La question de l’indemnisation.
Alors que nous commémorons le jour de la Victoire sur le Japon, nous devons continuer à nous souvenir de la compagnie « C », et du courage remarquable dont les anciens combattants de Hong Kong ont fait preuve, que ce soit lorsqu’ils se battaient
pour la paix en Extrême-Orient ou à leur retour au pays, quand ils ont dû se battre pour obtenir la reconnaissance qu’ils méritaient.
Pour en savoir plus sur l’histoire des anciens combattants de Hong Kong et sur les événements commémoratifs, visitez le site de l’Association commémorative des anciens combattants de Hong Kong au hkvca.ca.
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